L'âme des poètes

En ces périodes de climat rigoureux, il y a forcément quelqu'un, dans la rue, que nous pouvons aider...


S.D.F.

Dans son lit de carton, emmitouflé de givre,
Manu à mal à l'âme, il a bu, il est ivre…
Les éclairs de sa vie déchirent le rideau noir
Des souvenirs perdus sur le froid des trottoirs.

Jamais il n'a souhaité ce destin de clochard
Qui conjugue la misère devant ses yeux hagards.
Il était un mari, de ceux que l'on envie,
Tant que Marie l'aimait et qu'il aimait Marie…

Ils avaient découvert un paradis radieux,
Celui que, jalousement, protègent les amoureux.
De la harpe des anges, étrangers au solfège,
Pleuvaient des notes sucrées enrobées de soie grège…

De l'Eden à l'Enfer, la résistance fut mince,
Marie s'est envolée, capturée par un prince…

Le cœur à l'abandon, orphelin sans envies,
Manu a tout voulu pour oublier sa mie.
Le plus vil des remèdes, et le moins onéreux,
Restera la bouteille, sans l'attrait du vin vieux.

Les sommiers de béton, les oreillers de briques,
Ses fripes, El Dorado de bêtes assoiffées,
Sont devenus, au fil des trajets mécaniques,
L'illusion qui torture, qui éreinte la paix.

Pourtant, ce soir, l'autre Lui surgit en rebelle…
Bacchus, le traître ami, le mène à l'échafaud,
Les palmiers de sa vie sont appelés poubelles
Et plus que tout, maintenant, il doit respirer chaud.

Avec son bout de pain, la dame du matin,
Sourire compatissant, va lui tendre la main.
Pourquoi n'a t'elle jamais, à ce moment cruel,
Le visage, le parfum, de celle qui fut sa Belle ?

Elie Kéhéti

PLusieurs morts de froid dans la rue ces jours ci...

Décidément, ce poéte arrive toujours à toucher droit au coeur.. et Manu est si réél..

De fait, Isis, il semble avoir observé la vie... Un humaniste, probablement

Et très clairement, c'est particulièrement en ce moment qu'on doit aider les gens sans ressources dans la rue. Ils ne sont pas là parce qu'ils ont choisi, et leur désespoir a transformé cet état de fait en fatalité. Un de mes amis à Grenoble a mis en place, depuis plusieurs années, une association financée principalement par la DASS et il fait le tour de la ville la nuit avec son véhicule à la recherche des gens dans le besoin. Il m'arrive fréquemment d'échanger avec lui. Ce qui m'impressionne, c'est que certains sans-abris refusent qu'on les aide... C'est dire à quel point ils sont dans le desarroi pour avoir perdu les valeurs essentielles de survie.

On peut et on doit agir !

Tout à fait d'accord avec toi, on peut faire quelque chose, même si parfois ça parait peu.

Pendant plusieurs années, tous les jours pour me rendre au travail, sous le pont du métro, je croisais quelques sans abis dont c'était le coin. Les gens du samu social et des bénévoles passaient s'occuper un peu tous les jours, et eux aussi refusaient une autre aide que des paroles et du café. Les seules choses qu'ils ont voulu accepter de notre groupe de collégues ont été des sandwichs et quelques vêtements chauds.

Aucun d'eux ne voulait aller dans les centres et ils voulaient juste qu'on les regarde comme des hommes et pas qu'on fasse comme s'ils étaient transparents.

L'attente

Cette nuit encore je vais veiller…
Peut-être m’a-t-il encore oubliée,
Ou bien peut-être est-il fâché.
Mais qu’est ce que je lui ai fait !

Encore une fois, lentement, dans l’ombre,
Je compte les minutes qui sombrent.
La nuit s’étire, seconde après seconde,
Elle s’égoutte peu à peu comme l’onde.

Tout est si calme dans la maison,
Tout est si calme sauf ma raison.
Quand vient le cortège de questions,
De soucis qui tournent à l’obsession.

Un écran comme compagnie,
Des films pour chasser l’ennui.
Mes livres pour seuls amis,
Avec leur cortège de péripéties.

Comme il déserte ma demeure,
Blanches passent les heures.
Lentement, le temps se meurt,
Lentement, tout en langueur.

L’aube arrive, il ne vient toujours pas.
L’aube arrive, il n’est toujours pas là.
Il me fuit, je ne sais même pas pourquoi.
Je l’attends, comme toujours, et j’ai froid.

Enfin le voilà, celui que j’attendais.
Je ferme les yeux, enfin apaisée,
Je m’endors, le cœur enfin en paix.
Le marchand de sable est enfin passé…

Marie-Louise

Chère Emmelle (tu me permets de t'appeler ML, Marie-Louise ?)

Les nuits blanches d'attente n'ont pas que des inconvénients, si j'en juge par la qualité du poème déposé au-dessus. Ces insomnies ont aussi, visiblement, la faculté à faire jaillir une inspiration poignante de sensibilité. C'est très beau, Emmelle...

LE GRATIN DAUPHINOIS

Un gratin cuit à point est un régal suprême ;
En pays dauphinois c'est un plat vénéré,
Le mets familial si souvent savouré,
Mets d'été, mets d'hiver et même de carême.

La recette est facile et simple en est le thème :
Dans un plat peu profond, coupez à votre gré
Quelques pommes de terre, et puis sans rien d'autre,
Ajoutez oeufs, sel, ail, beurre et lait riche en crème.

Au vrai cela suffit pour faire un bon gratin.
toutefois, quel artiste sera assez certain
De son art pour mener à bien l'oeuvre modèle ?

Choisissez une femme, une femme de goût,
Belle, libre de soin, Dauphinoise avant tout,
Et si vous le pouvez, tâchez d'être aimé d'elle.

Maurice CHAMPAVIER

Baiser...


On peut vaincre avec une épée et être vaincu par un baiser.

Le seul vrai langage au monde est un baiser.

Un baiser fait moins de bruit qu'un canon mais l'écho dure plus longtemps.

Si un grain de sable égale un baiser vient que je t'offre la plage entière.

Si embrasser est une langue, alors vient parler avec moi.

Un baiser est un combat de langues dans un océan de salive.

Le baiser, la bouche sur la bouche, est le signe le plus expressif du silence.

L'amour naît d'un regard, se prolonge par un baiser et meurt d'une larme.

Si l'amour est un péché alors puni-moi par un baiser.

Seule la distance d'un baiser sépare l'amour de l'amitié.

Un baiser légal ne vaut jamais un baiser volé.

Certains soirs

Il est certains soirs de tristesse
Il est certains soirs de faiblesse
Ou la fièvre fracasse nos murs
Ou la fatigue perce nos armures

Alors s’envolent les certitudes
Alors remonte la solitude
Chaque mot devient blessure
Chaque parole est déchirure

Le silence semble palpable
L’absence paraît semblable
A une muraille d’indifférence
Ou se fracasse notre confiance

Seuls, les souvenirs douloureux
Surnagent en nos esprits brumeux
En nos cœurs fragilisés, la faiblesse
Etouffe la joie, apporte la détresse

Ne reste qu’une vilaine souffrance
Tous nos moments de désespérance
Nos plaies se rouvrent en saignant
Sous le poids de nos vieux tourments

Les papillons de nos idées noires
Tourbillonnent sur tous nos espoirs
Les teintant d’amère mélancolie
Les couvrant d’un long voile de nuit

Tout explose, une à une les larmes glissent
Jusqu’à ce que notre raison s’obscurcisse
Que nous ne souhaitions rien de plus enfin
Que nous endormir sans plus penser à rien

Il est certains soirs de tristesse
Il est certains soirs de faiblesse
Ou en nous une petite phrase résonne
A quoi bon, notre nom est personne

Personne

L'enfant pas comme les autres


Tout seul au fond du jardin
Tout seul il contemple de loin
Les autres qui se courent après
Dans une sarabande effrénée
Aucun d’eux pour le remarquer

Il est tout seul à se balancer
Lentement pour se rassurer
Il a peur de les voir arriver
Il a peur de les savoir si près
Mais son papa lui a dit de rester

Il veut qu’il se fasse plein d’amis
Il veut tellement faire comme si
Il veut tellement croire que lui aussi
Comme tous les autres de ces enfants
Peut partager leurs jeux impunément

Le petit garçon , lui, sait que non
Il n’en comprend pas trop la raison
Mais se rappelle chaque occasion
Ou il est allé vers les autres en souriant
Et qu’il se sont moqué de lui en criant

Chaque fois il est parti en courant
Chaque fois si meurtri en dedans
Poursuivi par des mots si méchants
Qu’ils se sont planté dans son cœur
Comme s’il saignait à l’intérieur

Il aimerait lui aussi partager leurs jeux
Quand il les voit ils ont l’air si heureux
Il a envie de se sentir aimé par eux
Il a envie de faire plaisir à son papa
Il a envie de ressembler à tous ceux là

Pourquoi est-ce qu’il ne le peut pas
Pourquoi les autres ne l’aiment pas
Pourquoi faut-il qu’il reste seul, là
Assis à regarder le monde de si loin
Sans le comprendre jamais très bien

Même s’il lui dit qu’il l’aime il sait
Que son papa a honte et voudrait
Qu’il ne soit rien de ce qu’il est
Qu’il ne soit rien et même pas né
Même lui ne voudrait pas exister


Il voudrait pouvoir échapper enfin
A ce sort qu’il subit avec chagrin
Il voudrait pouvoir retrouver maman
C’était la seule qui l’aimait vraiment
Entièrement, tel qu’il est réellement

Son amour pour lui était si grand
Qu’il se sentait à l’abri dedans
Il n’est pas comme les autres enfants
Son esprit à lui restera toujours très lent
Ce n’est pas de sa faute s’il est né différent
Il est là, tout seul à se balancer
Il est là tout seul , juste à espérer
Que personne ne va le remarquer
Il voudrait rejoindre sa maman
Mais elle est là haut maintenant

Il voudrait tant pouvoir changer
Il voudrait tant lui aussi être aimé
Juste pour lui, juste tel qu’il est
Il voudrait enfin pouvoir rentrer
Mais son papa lui a dit de rester

Marie Louise

Message initialement posté le dimanche 19 décembre à 1:10 par la môme...

SI

Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir...

Si tu peux supporter d'entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots.
Et d'entendre mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir toi-même d'un mot ;

Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuble en conseillant les rois,
Si tu peux aimer tous tes amis en frères,
Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi,

Si tu sais méditer, observer et connaître,
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur
Rêver, sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser, sans n'être qu'un penseur

Si tu peux être dûr sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage
Sans être moral ni pédant ;

Si tu peux rencontrer triomphe après défaite
Et recevoir ces deux menteurs d'un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,

Alors les Rois, les Dieux, la chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis,
Et ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire,
Tu seras un homme, mon fils.


R. Kipling.

Écoute-moi



Écoute-moi


J'ai mal de vivre


Ça ne se voit pas


Que j'ai des soupirs


Dans la voix





Écoute-moi


J'ai tant à dire


Des choses qu'on ne dit pas


Des mots qui font fuir


Qu'on aime mieux garder pour soi


Je ne peux plus les retenir


Ils explosenten moi





Écoute-moi


J'ai tant à dire


Tu ne le ressens pas


Que je veux disparaître


Je ne serai plus là


Pour ne pas avoir osé être


Je ne le veux pas





Écoute-moi


Je tends la perche


Qu'on ne me tend pas


Dans mes pleurs je cherche


À tendre les bras


Mes cris te boulversent


Tu ne les entends pas





Écoute-moi


J'ai mal de souffrir


Comme ça ne se peut pas


Je ne veux plus mourir


À petit feu comme ça


Je peux bien l'écrire


Mais tu n'es pas là





Écoute-moi


mon coeur se brise


Il éclate sur toi


Je suis en crise


On ne le perçoit pas


Ça démoralise


des gens comme moi





Écoute-moi


On se fait la peau


Quand les mots passent pas


Quand on tourne le dos


et qu'on n'ecoute pas


On se sent de trop


Pour des gens comme toi





Écoute-moi


Je saurai me taire


Au son de ta voix


Je serai solidaire


Ton regard sur moi


Je saurai refaire


Un retour en moi





Écoute-moi


Ne tend pas l'oreille


Mais ton coeur vers moi


CE n'est pas pareil


Même si tu n'y crois pas


On capte l'essensiel


L'être humain en soi





Écoute-moi


Donne-moi de ton temps


Un peu à la fois


Je verrai l'enfant


Qui renaît en moi


pour devenir grand


Une seconde fois





Écoute-moi


Je t'en prie éclaire ma voie


Pose ta lueur sur moi


pour que je plonge en toi


Saisir ce que je ne saisis pas


Cet espoir de vivre et cette joie


Qu'enfant on a détruit en moi


Claudy

Ce dernier poème est vraiment poignant, je trouve... Une présence touchante dans chaque mot

En voilà un que j'aime particulièrement :

Liberté

Sur mes cahiers d'écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J'écris ton nom

Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J'écris ton nom

Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J'écris ton nom

Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J'écris ton nom

Sur tous mes chiffons d'azur
Sur l'étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J'écris ton nom

Sur les champs sur l'horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J'écris ton nom

Sur chaque bouffée d'aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J'écris ton nom

Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l'orage
Sur la pluie épaisse et fade
J'écris ton nom

Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J'écris ton nom

Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J'écris ton nom

Sur la lampe qui s'allume
Sur la lampe qui s'éteint
Sur mes maisons réunies
J'écris ton nom

Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J'écris ton nom

Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J'écris ton nom

Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J'écris ton nom

Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J'écris ton nom

Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attentives
Bien au-dessus du silence
J'écris ton nom

Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J'écris ton nom

Sur l'absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J'écris ton nom

Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l'espoir sans souvenir
J'écris ton nom

Et par le pouvoir d'un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer

Liberté.

Paul Eluard

La Liberté fait naître les libertés... Georges Moustaki a écrit les paroles de cette chanson magnifiquement interprétée par Serge Reggiani. La pudeur de l'interprète a donné toutes ses lettres de noblesses à ce texte :

Ma liberté

Ma liberté
longtemps je t'ai gardée
comme une perle rare.
Ma liberté,
c'est toi qui m'as aidé
à larguer les amarres,
pour aller n'importe où
pour aller jusqu'au bout
des chemins de fortune,
pour cueillir en rêvant
une rose des vents
sur un rayon de lune!

Ma liberté
devant tes volontés
ma vie était soumise
ma liberté,
je t'avais tout prêté
ma dernière chemise
Et combien j'ai souffert
pour pouvoir satisfaire
toutes tes exigences!
J'ai changé de pays,
j'ai perdu mes amis
pour garder ta confiance!

Ma liberté,
tu as su désarmer
mes moindres habitudes
ma liberté,
toi qui m'as fait aimer
même la solitude.
Toi qui m'as fait sourire
quand je voyais finir une belle aventure,
toi qui m'a protégé
quand j'allais me cacher
pour soigner mes blessures!

Ma liberté,
pourtant je t'ai quittée
une nuit de décembre.
J'ai déserté
les chemins écartés
que nous suivions ensembles,
lorsque, sans me méfier,
les pieds et poings liés
je me suis laissé faire,
et je t'ai trahi
pour une prison d'amour
et sa belle geôlière!
et je t'ai trahi
pour une prison d'amour
et sa belle geôlière!

Mon Ange ...


La vie n'est pas tendre
À nous de la prendre
Comme elle vient
Et d'y faire notre chemin.

Tant de souffrances
Tant d'espérances
Tant d'innocence
Tant d'impatience

Aujourd'hui, je t'aime,
Certaines choses nous séparent même
Mais tu es là dans mon coeur
Bien au chaud et c'est ça mon bonheur.

Rien n'est insurmontable
Et avec toi, je me sens capable
De franchir toutes les barrières
Qui me paraissent éphémères

Et je sais mon aimé
Que tu vas me faire oublier
Toutes les meurtrissures du passé
Qui, dans mon coeur, se sont installées

J'ai confiance en ton amour
Ton Ange........

Toujours touchant et doux Kina

Magnifique poème Kina...

Une fois de plus, tu as trouvé les mots justes qui font que toute l'émotion passe...

Temps long


Le temps s’étire en longueur,
La nuit s’étale en langueur.

Goutte à goutte,
Les secondes s’écoulent.
Goutte à goutte,
Le temps se déroule.

L’ennui s’installe en douceur,
L’esprit se noie en torpeur.

Lentement,
Tout s’endort.
Doucement,
Tout s’évapore.

Et le sommeil pourtant s’enfuit,
Et la paix elle-même s’évanouit…

Juste engourdie,
Par la fatigue submergée.
Juste étourdie,
Par l’amertume épuisée.

Quelques moments encore à patienter,
Quelques instants encore à divaguer.

Enfin !
Vient le matin,
Enfin !
C’est demain.

La tristesse s’efface avec le jour,
Le sourire revient, comme toujours,

Jusqu’à la nuit …


Marie louise

Insomnie quand tu nous tiens...

Mes insomnies

A voir tant de gens qui dorment et s'endorment à la nuit,
Je finirai, c'est fatal, par pouvoir m'endormir aussi,
A voir tant d'yeux qui se ferment, couchés dans leur lit,
Je finirai par comprendre qu'il faut que je m'endorme aussi,
J'en ai connu des grands, des beaux, des bien bâtis, des gentils,
Qui venaient pour me bercer et combattre mes insomnies,
Mais au matin, je les retrouvais, endormis dans mon lit,
Pendant que je veillais seule, en combattant mes insomnies,

A force de compter les moutons qui sautent dans mon lit,
J'ai un immense troupeau qui se promène dans mes nuits,
Qu'ils aillent brouter ailleurs, par exemple, dans vos prairies,
Labourage et paturage ne sont pas mes travaux de nuit,

Sans compter les absents qui me reviennent dans mes nuits,
J'ai quelquefois des vivants qui me donnent des insomnies,
Et je gravis mon calvaire, sur les escaliers de la nuit,
J'ai déjà connu l'enfer, connaîtrai-je le paradis ?

Le paradis, ce serait, pour moi, de m'endormir la nuit,
Mais je rêve que je rêve qu'on a tué mes insomnies,
Et que pâles, en robe blanche, on les a couchées dans un lit,
A tant rêver que j'en rêve, les revoilà mes insomnies,

Je rôde comme les chats, je glisse comme les souris,
Et Dieu, lui-même, ne sait pas ce que je peux faire de mes nuits,

Mourir ou s'endormir, ce n'est pas du tout la même chose,
Pourtant, c'est pareillement se coucher les paupières closes,
Une longue nuit, où je les avais tous deux confondus,
Peu s'en fallut, au matin, que je ne me réveille plus,

Mais au ciel de mon lit, y'avait les pompiers de Paris,
Au pied de mon lit, les adjudants de la gendarmerie,
Ô Messieurs dites-moi, ce que vous faites là, je vous prie,
Madame, nous sommes là pour veiller sur vos insomnies,

En un cortège chagrin, viennent mes parents, mes amis,
Gravement, au nom du Père, du Fils et puis du Saint-Esprit,
Si après l'heure, c'est plus l'heure, avant, ce ne l'est pas non plus,
Ce n'est pas l'heure en tout cas, mais grand merci d'être venus,

Je les vois déjà rire de leurs fines plaisanteries,
Ceux qui prétendent connaître un remède à mes insomnies,
Un médecin pour mes nuits, j'y avais pensé moi aussi,
C'est contre lui que je couche mes plus belles insomnies,

A voir tant de gens qui dorment et s'endorment à la nuit,
J'aurais fini, c'est fatal, par pouvoir m'endormir aussi,
Mais, si s'endormir c'est mourir, ah laissez-moi mes insomnies,
J'aime mieux vivre en enfer que dormir en paradis,
Si s'endormir c'est mourir, ah laissez-moi mes insomnies.
J'aime mieux vivre en enfer que de mourir en paradis...

Barbara

Barbara m'a toujours beaucoup touché

Toi

Je te croisais depuis l’enfance
Sans jamais te voir vraiment,
Et puis le jour de mes quinze ans,
Tu as changé mon existence.

Depuis ce jour je t’aime tant !
De toi je ne peux me passer.
Grâce à toi j’ai pu traverser,
Bon comme mauvais moments.

Avec ton aide j’ai surmonté
Chacune de mes difficultés.
C’est toi qui m’aide à tenir debout,
A y voir clair quand je suis à bout.

Tu me transmets ton énergie
Sans jamais demander un merci.
J’aime tout de toi, ta douce odeur,
Ton goût sur mes lèvres, ta chaleur…

Je tremble à l’idée qu’un jour
Notre histoire doive se terminer,
Je tremble de devoir t’abandonner
Parce que je t’aurais trop aimé.

Avec toi, je prolonge les nuits,
Tu es mon obsession, ma folie !
A vie, je suis intoxiquée par toi !
Toi, le café qu’à toute heure je bois…

Marie-Louise

Quelle magnifique déclaration ! Et quel talent cette Marie-Louise (Marylou ?)...

Froid

Drapé d'une cape rigide, grossière étoffe glacée,
Sans y être convié, l'hiver s'est invité…

Mars, comme à l'accoutumée, fidèle sacristain,
Préparait son printemps, mis sur son trente et un…

Les pousses et bourgeons, calés dans leurs cocons,
Impatients mais sereins, révisent leurs éclosions
Et sourient à l'envie d'illuminer le gris.
Faux espoir, illusion et destin rabougri…

Ultime répétition, en habit d'apparat,
Les musiciens ailés avaient trouvé le la.
Sorties prématurées, ils doivent sécher les plumes.
Les chenilles dépoussièrent, au milieu des légumes,
Les smokings empoilés et les nœuds papillons
Rangés sans naphtaline, à l’abri des saisons.

Le héron, en provenance d’ailleurs, plane, inquiet…
Jamais il ne pourra s’amarrer à son quai.
La glace de son étang accepterait son poids,
Mais point de trous utiles à remplir l’estomac…

Dame Nature, contrariée, nue sous son manteau blanc,
Sans autre alternative, ajourne le printemps…

Calfeutrez, résistez, du froid protégez-vous,
Pour la fête des couleurs, prenez donc rendez-vous…


Elie Kéhéti